« Ni le tombeau ni la mort n’ont eu pouvoir sur la Mère
de Dieu,
Elle est la Mère de la Vie ;
Il l’a prise avec Lui, Celui qui reposa dans son sein
virginal,
le Christ, notre Dieu.
Toi, notre espérance inébranlable,
O Mère vigilante, intercède pour nous. »
La mort ne peut retenir la Théotokos, ciel vivant et trésor
de la vie :
« Aujourd’hui la sainte et l’unique Vierge est amenée
au temple hypercosmique et céleste, elle qui a brûlé d’une telle ardeur pour la
virginité, qu’elle fut transformée en elle comme en un feu très pur. Toute
vierge perd sa virginité en enfantant, mais celle-ci, vierge avant l’enfantement,
demeure vierge en enfantant et après la naissance.
Aujourd’hui l’arche sacrée et vivante du Dieu vivant, celle
qui a porté dans son sein son Auteur, se repose dans le temple du Seigneur non
fait de main d’homme, et David, son ancêtre et l’ancêtre de Dieu, exulte ;
et les anges mènent leurs chœurs avec lui, les archanges applaudissent, les Vertus
rendent gloire, les Principautés avec
lui tressaillent, les Dominations jubilent, les Puissances se réjouissent, les
Trônes sont en fête, les Chérubins chantent les louanges, les Séraphins
proclament : « Gloire ! » Car ce n’est point pour eux une
faible gloire que de glorifier la Mère de la Gloire. (…)
Aujourd’hui le trésor de la vie, l’abîme de la grâce, entre
dans l’ombre d’une mort porteuse de vie ; sans crainte elle s’en approche,
elle qui a engendré son destructeur, si toutefois il est permis d’appeler mort
son départ plein de sainteté et de vie.
Car celle qui pour tous fut la source de la vraie vie,
comment tomberait-elle au pouvoir de la mort ? (…) comment celle qui a
reçu la vie elle-même, sans principe et sans terme, affranchie des limites du
commencement et de la fin, ne vivrait-elle pas pour la durée illimitée ? »
Convenance de l’Assomption
« Il fallait en effet que cette demeure digne de Dieu,
la source non creusée de main d’homme, d’où jaillit l’eau qui remet les péchés,
la terre non labourée, productrice du pain céleste, la vigne qui sans être
arrosée donna le vin d’immortalité, l’olivier toujours verdoyant de la
miséricorde du Père, aux fruits magnifiques, ne subît pas l’emprisonnement des
abîmes de la terre. Mais de même que le corps saint et pur, que le Verbe divin,
par elle, avait uni à sa Personne, le troisième jour est ressuscité du tombeau,
elle aussi devait être arrachée à la tombe, et la mère associée à son Fils. Et
comme il était descendu vers elle, ainsi elle-même, objet de son amour, devait
être transportée jusque dans « le tabernacle plus grand et plus parfait »,
« jusqu’au ciel lui-même » (Heb.9,11.24).
Il fallait que celle qui avait donné asile au Verbe divin
dans son sein, vînt habiter dans les tabernacles de son Fils. Et comme le
Seigneur avait dit qu’il devait être dans la demeure de son propre Père, il
fallait que sa mère demeurât au palais de son Fils, « dans la maison du Seigneur,
dans les parvis de la maison de notre Dieu.» (Ps 134,1 ; 135,2) Car si là
est « la demeure de tous ceux qui sont dans la joie » (Ps 87,7), où
donc habiterait la cause de la joie ?
Il fallait que celle qui dans l’enfantement avait gardé
intacte sa virginité, conservât son corps sans corruption, même après sa mort.
Il fallait que celle qui avait porté petit enfant son
Créateur dans son sein, vécût dans les tabernacles divins.
Il fallait que l’épouse que le Père s’était choisie vînt habiter
au ciel la demeure nuptiale.
Il fallait que celle qui avait contemplé son Fils en Croix
et reçu alors au cœur le glaive de douleur qui l’avait épargnée dans son
enfantement, le contemplât assis auprès de son Père.
Il fallait que la Mère de Dieu entrât en possession des
biens de son Fils, et fût honorée comme Mère et servante de Dieu par toute la création.
L’héritage passe toujours des parents aux enfants ; ici, cependant, pour
emprunter l’expression d’un sage, les sources du fleuve sacré remontent vers
leur origine. Car le Fils a soumis à sa mère la création tout entière.
Eh bien donc, à notre tour, aujourd’hui célébrons la fête du
départ de la Mère de Dieu. (…)
(Car) par elle nos hostilités séculaires avec le Créateur
ont pris fin. Par elle notre réconciliation avec Lui fut proclamée, la paix et
la grâce nous furent données, les hommes unissent leurs chœurs à ceux des
anges, et nous voilà faits enfants de Dieu, nous qui étions auparavant un objet
de mépris ! Par elle nous avons vendangé le raisin qui donne la vie ;
d’elle nous avons cueilli le germe de l’incorruptibilité. De tous les biens
elle est devenue pour nous la médiatrice.
En elle Dieu s’est fait homme, et l’homme
est devenu Dieu.»
St Jean Damascène : Homélie sur la Dormition de la Mère
de Dieu