samedi 31 janvier 2015

"Mon arme c'est la vérité et l'amour" Bx Jerzy Popieszko




Chers amis,
C’est un peu tardivement que nous venons vous souhaiter une bonne et sainte année 2015 ! in extremis, n’est-ce pas ? le cœur y était depuis Noël mais c’est le temps qui a manqué. 

Cela donne l’impression d’être un peu en porte-à-faux de se souhaiter une bonne année alors que notre pays a été meurtri et ensanglanté… Que pouvons-nous donc nous souhaiter de bon dans un tel contexte ? Souhaiter que cela ne se reproduise pas ? bien sûr mais si c’est pour pouvoir se rendormir et assouvir notre seul désir de tranquillité, c’est un peu court !

 Nous vous souhaitons plutôt la paix, oui, celle que le Christ nous donne (Jn 14,27) et qui nous fera traverser toutes choses sans effroi, panique ou désespoir ; nous vous souhaitons non pas tant l’espoir d’un peu de répits, de lendemains hypothétiquement meilleurs mais l’espérance, celle qui ne déçoit pas et qui nous fait « rechercher les réalités d’en haut » (Col 3,1) ; et surtout nous vous souhaitons la joie, celle qui ne dépend pas des circonstances mais trouve la source de son jaillissement dans l’intimité avec Dieu. Marthe Robin, que l’Eglise vient de déclarer vénérable, disait que « la joie, c’est la disposition radieuse de l’âme tournée vers son Dieu ». Joie profonde qui trouve sa source dans la confiance en la bonté éternelle de Dieu et qui nous permet de marcher sur les eaux tumultueuses qui menacent de tout engloutir.


Alors "enracinés et fondés en Christ, affermis dans la foi" (Col 2,7), nous pourrons envisager les choses autrement, ne pas céder à l’accablement ni à l’esprit de vengeance, nous souvenant que « La seule peur que nous devons avoir est celle d'être coupé de Dieu » (Bx Jerzy Popieluszko) et que « Le courage ne s'appuie pas sur le fer, mais sur le coeur... » (id). J’aime tant, en ces temps, me rappeler ces paroles du Bienheureux Père Popieluszko (prêtre polonais au temps où la Pologne était sous le joug communiste) et d’autres, si actuelles : « Afin de vaincre la mal par le bien il nous faut recourir à la vertu de courage » ; Face au péril rouge mortifère et meurtrier, il rappelait, dans ses homélies, à la foule qui venait assister à ses messes pour la patrie : « ... N'utilisez pas la violence pour lutter. Ceux qui n'ont pas réussi à vaincre avec le coeur et avec la raison, s'efforceront de gagner par la violence. (Mais c’est) Par la Croix  (que) nous irons à la Résurrection, à la victoire. Il n'y a pas d'autre chemin ». Et ses dernières paroles quelques heures avant son martyre : « Prions, pour que nous soyons libérés de la peur, de l’intimidation, mais surtout de l’envie de vengeance et de violence ». Il savait qu’il prenait des risques en s’opposant au régime communiste, mais il ne pouvait taire son désir de la dignité de tous -« Mon cri était celui de ma patrie »- et surtout il luttait au nom du Christ et avec les armes du Christ (c’est ce qui en fait un vrai martyr) : « Mon arme c'est la vérité et l'amour ». Oui c’était un combat pour la liberté, mais la vraie liberté, non pas une liberté dévoyée devenue idole à encenser et fer de lance de toutes les pseudo-valeurs nihilistes, non pas une liberté méchante et bête utilisant l’insulte et le mépris pour humilier ceux avec qui on n’est pas d’accord. Le Bx Père Jerzy Popieluszko n’a jamais voulu prendre d’autres armes que les armes de l’amour qui respecte et de la vérité qui édifie pour défendre la liberté de conscience, la liberté de parole, liberté qui n’est pas un absolu mais un moyen au service d’une finalité plus haute : l’amour et le service de la gloire de Dieu. Et oui, nous ne sommes pas libres pour être libres mais nous sommes libres pour aimer Dieu et nos frères! Et ainsi l’amour devient la mesure éthique de notre liberté. 

En ces temps où nous appelons la paix de nos vœux, il n’est pas inutile non plus de se rappeler que les guerres barbares peuvent trouver leur matrice dans nos propres barbaries aseptisées, dans nos propres démissions face à la défense de la dignité de chaque personne de sa conception à sa mort naturelle, dans notre impiété et notre impénitence aussi… Quand on tue l’enfant à naître ou l’handicapé et le vieillard, on a déjà instauré un régime de violence… et alors on finit par récolter ce que l’on sème… comme le rappelait la Bse Mère Térésa à l’ONU : « Le plus grand destructeur de la paix, aujourd'hui, est le crime commis contre l'innocent enfant à naître. Si une mère peut tuer son propre enfant, dans son propre sein, qu'est-ce qui nous empêche, à vous et à moi, de nous entretuer les uns les autres ? »

Alors je vous propose cette belle prière de St François d’Assise :


 Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix,
Là où est la haine, que je mette l’amour.
Là où est l’offense, que je mette le pardon.
Là où est la discorde, que je mette l’union.
Là où est l’erreur, que je mette la vérité.
Là où est le doute, que je mette la foi.
Là où est le désespoir, que je mette l'espérance.
Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.
Là où est la tristesse, que je mette la joie. 
 O Seigneur, que je ne cherche pas tant à
être consolé qu’à consoler,
à être compris qu’à comprendre,
à être aimé qu’à aimer.

Car c’est en se donnant qu’on reçoit,
c’est en s’oubliant qu’on se retrouve,
c’est en pardonnant qu’on est pardonné,
c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie.


Sr Isabelle de la Mère de Dieu

Voeux écrits à la mi-janvier mais posté in extremis le 31 ! 1000 excuses pour le retard !

jeudi 1 janvier 2015

Sainte année 2015: que nous nous laissions conduire par la petite fille espérance !



 Je vous livre cette perle à méditer pour cette nouvelle année, le trésor de l'espérance si mal connu et pourtant si précieux pour nos vies !


« La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’espérance.

La foi ça ne m’étonne pas.
Ça n’est pas étonnant.
J’éclate tellement dans ma création. (…)
Que pour ne pas me voir vraiment il faudrait que ces pauvres gens fussent aveugles.

La charité, dit Dieu, ça ne m’étonne pas.
Ça n’est pas étonnant.
Ces pauvres créatures sont si malheureuses qu’à moins d’avoir un cœur de pierre, comment n’auraient-elles point charité les unes des autres.

Mais l’espérance, dit Dieu, voilà ce qui m’étonne.
Moi-même.
Ça c’est étonnant.
Que ces pauvres enfants voient comme tout ça se passe et qu’ils croient que demain ça ira mieux.
Qu’ils voient comme ça se passe aujourd’hui et qu’ils croient que ça ira mieux demain.
Ça c’est étonnant et c’est bien la plus grande merveille de notre grâce.
Et j’en suis étonné moi-même.
Et il faut que ma grâce soit en effet d’une force incroyable.
Et qu’elle coule d’une source et comme un fleuve inépuisable. (…)
Que ne faut-il pas que soit ma grâce et la force de ma grâce pour que cette petite espérance, vacillante au souffle du péché, tremblante à tous les vents, anxieuse au moindre souffle, soit aussi invariable, se tienne aussi fidèle, aussi droite, aussi pure ; et invincible, et immortelle, et impossible à éteindre ; que cette petite flamme du sanctuaire.
Qui brûle éternellement dans la lampe fidèle. (…)
Une flamme impossible à atteindre, impossible à éteindre au souffle de la mort.

Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance.
Et je n’en reviens pas.
Cette petite espérance qui n’a l’air de rien du tout.
Cette petite fille espérance.
Immortelle. (…)

La Foi est une Epouse fidèle.
La Charité est une Mère. (…)

L’Espérance est une petite fille de rien du tout.
Qui est venue au monde le jour de Noël de l’année dernière. (…)
C’est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes.
Cette petite fille de rien du tout.
Elle seule, portant les autres, qui traversera les mondes révolus. (…)

On oublie trop, mon enfant, que l’espérance est une vertu, qu’elle est une vertu théologale, et que de toutes les vertus, et des trois vertus théologales, elle est peut-être la plus agréable à Dieu.
Qu’elle est assurément la plus difficile, qu’elle est peut-être la seule difficile, et que sans doute elle est la plus agréable à Dieu.

La Foi va de soi. (…)
Pour ne pas croire, mon enfant, il faudrait se boucher les yeux et les oreilles. Pour ne pas voir, pour ne pas croire.(…)
La Charité va malheureusement de soi. (…)
Pour ne pas aimer son prochain, mon enfant, il faudrait se boucher les yeux et les oreilles.
A tant de cris de détresse.

Mais l’espérance ne va pas de soi. L’espérance ne va pas toute seule. Pour espérer, mon enfant, il faut être bien heureux, il faut avoir obtenu, reçu une grande grâce. (…)
C’est d’espérer qui est difficile.

La petite espérance s’avance entre ses deux grandes sœurs et on ne prend seulement pas garde à elle.
(…) sur le chemin raboteux du salut, sur la route interminable, sur la route entre ses deux sœurs la petite espérance
s’avance.
Entre ses deux grandes sœurs.
Celle qui est mariée.
Et celle qui est mère.
Et l’on n’a d’attention, le peuple chrétien n’a d’attention que pour les deux grandes sœurs.
La première et la dernière.(…)
Et il ne voit quasiment pas celle qui est au milieu.
La petite, celle qui va encore à l’école.
Et qui marche.
Perdue dans les jupes de ses sœurs.
Et il croit volontiers que ce sont les deux grandes qui trainent la petite par la main.
Au milieu.
Entre elles deux.
Pour lui faire faire ce chemin raboteux du salut.
Les aveugles qui ne voient pas au contraire.
Que c’est elle au milieu qui entraine ses grandes sœurs.
Et que sans elle elles ne seraient rien.
Que deux femmes déjà âgées.
Deux femmes d’un certain âge.
Fripées par la vie.

C’est elle, cette petite, qui entraîne tout.
La Foi ne voit que ce qui est. (…)
La Charité n’aime que ce qui est. (…)

L’Espérance voit ce qui n’est pas encore et qui sera.
Elle aime ce qui n’est pas encore et qui sera
Dans le futur du temps et de l’éternité.

Sur le chemin montant, sablonneux, malaisé.
Sur la route montante.
Traînée, pendue aux bras de ses deux grandes sœurs,
Qui la tiennent par la main,
La petite espérance.
S’avance.

Et au milieu entre ses deux grandes sœurs elle a l’air de se laisser traîner.
Comme une enfant qui n’aurait pas la force de marcher.
Et qu’on traînerait sur cette route malgré elle.
Et en réalité c’est elle qui fait marcher les deux autres.
Et qui les traîne.
Et qui fait marcher tout le monde.
Et qui le traîne.
Car on ne travaille jamais que pour les enfants.

Et les deux grandes ne marchent que pour la petite. »

Charles Péguy, Le porche du mystère de la deuxième vertu.