Dans son homélie du 6 janvier 2013, le Pape Benoit XVI a développé
un parallèle entre les Mages chercheurs de Dieu et les évêques, successeurs des
apôtres, mus eux aussi par la recherche de la vérité et ayant pour seul critère
non pas les opinions dominantes mais uniquement le Seigneur.
Cependant, « si
pour un évêque le témoignage rendu à la vérité est essentiel », comme le rappelait
le Cardinal Wyszynski, cela ne signifie pas que le simple fidèle doive s’affranchir
de cette exigence. Si le Christ parlant à ses apôtres leur dit « c’est un
exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez vous aussi, comme moi j’ai
fait pour vous » (Jn 13,15), l’apôtre peut, à son tour comme St Paul, dire
aux fidèles : « Soyez mes imitateurs » (1 Co 11,1) que ce soit
dans le service de la charité ou dans celui de la vérité. Ainsi, recevons ces
paroles fortes de Benoit XVI comme adressées à nous tous, simples fidèles certes,
mais aussi, en tant que chrétiens, bien souvent en butte à la contradiction.
Adoration des Mages de Gentile da Fabriano |
« Les Mages d’Orient étaient aussi et surtout des
hommes qui avaient du courage, le courage et l’humilité de la foi. Il fallait
du courage pour accueillir le signe de l’étoile comme un ordre de partir, pour
sortir – vers l’inconnu, l’incertain, sur des chemins où il y avait de
multiples dangers en embuscade. Nous pouvons imaginer que la décision de ces
hommes a suscité la dérision : la plaisanterie des réalistes qui pouvaient
seulement se moquer des rêveries de ces hommes. Celui qui partait sur des
promesses aussi incertaines, risquant tout, ne pouvait apparaître que ridicule.
Mais pour ces hommes touchés intérieurement par Dieu, le chemin selon les
indications divines était plus important que l’opinion des gens. La recherche
de la vérité était pour eux plus importante que la dérision du monde,
apparemment intelligent.
Comment ne pas penser, dans une telle situation, à la
mission d’un évêque à notre époque ? L’humilité de la foi, du fait de croire
ensemble avec la foi de l’Eglise de tous les temps, se trouvera à maintes
reprises en conflit avec l’intelligence dominante de ceux qui s’en tiennent à
ce qui apparemment est sûr. Celui qui vit et énonce la foi de l’Eglise, sur de
nombreux points n’est pas conforme aux opinions dominantes justement aussi à
notre époque. L’agnosticisme aujourd’hui largement dominant a ses dogmes et est
extrêmement intolérant à l’égard de tout ce qui le met en question et met en
question ses critères. Par conséquent, le courage de contredire les
orientations dominantes est aujourd’hui particulièrement urgent pour un évêque.
Il doit être valeureux. Et cette vaillance ou ce courage ne consiste pas à
frapper avec violence, à être agressif, mais à se laisser frapper et à tenir
tête aux critères des opinions dominantes. Le courage de demeurer fermement
dans la vérité est inévitablement demandé à ceux que le Seigneur envoie comme
des agneaux au milieu des loups. « Celui qui craint le Seigneur n’a peur
de rien » dit le Siracide (cf. 34,15). La crainte de Dieu libère de la
crainte des hommes. Elle rend libre ! »
Dans ce contexte, un épisode des débuts du christianisme que
Saint Luc rapporte dans les Actes des Apôtres me vient à l’esprit. Après le
discours de Gamaliel, qui déconseillait la violence envers la communauté
naissante des croyants en Jésus, le sanhédrin convoqua les apôtres et les fit
flageller. Ensuite il leur interdit de parler au nom de Jésus et il les remit
en liberté. Saint Luc continue : « Mais eux, en sortant du sanhédrin,
repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour
le nom de Jésus. Et chaque jour (…) ils ne cessaient d’enseigner et d’annoncer
la bonne nouvelle du Christ Jésus » (Ac 5,40ss). Les successeurs des
apôtres doivent aussi s’attendre à être à maintes reprises frappés, de manière
moderne, s’ils ne cessent pas d’annoncer de façon audible et compréhensible l’Evangile
de Jésus-Christ. Et alors ils peuvent être heureux d’avoir été jugés dignes de
subir des outrages pour lui. Naturellement, nous voulons, comme les apôtres,
convaincre les gens et, en ce sens, obtenir leur approbation. Naturellement,
nous ne provoquons pas, mais bien au contraire nous invitons chacun à entrer
dans la joie de la vérité qui indique la route.
L’approbation des opinions
dominantes, toutefois, n’est pas le critère auquel nous nous soumettons. Le
critère c’est lui seul : le Seigneur.
Si nous défendons sa cause, grâce à
Dieu, nous gagnerons toujours de nouveau des personnes pour le chemin de l’Evangile.
Mais inévitablement nous serons aussi frappés par ceux qui, par leur vie, sont
en opposition avec l’Evangile, et alors nous pouvons être reconnaissants d’être
jugés dignes de participer à la Passion du Christ. » Benoit XVI
Sr Isabelle de la Mère de Dieu