mardi 26 août 2014

Espérer contre toute espérance ! (Rom 4,18)



« Lorsque tout s’écroule autour de nous et peut-être aussi en nous, le Christ demeure notre soutien indéfectible » disait St Jean-Paul II. C’est là notre espérance, espérance théologale qui se reçoit dans la prière et qui semble si fragile parfois, si malmenée… « la petite fille espérance, cette petite fille de rien du tout » comme disait Péguy, si vulnérable qu’il nous faut la protéger, prendre soin d’elle si nous ne voulons pas qu’elle périsse, qu’elle soit engloutie par la marée de violence qui semble recouvrir tant de pays. Pensons à nos frères chrétiens d’Irak (et d’ailleurs !) en butte à la contradiction du seul fait de leur foi… et qui préfèrent tout perdre plutôt que de perdre le Christ. Quel témoignage de foi !... mais dans quelle souffrance aussi… et dans quelle mise à l’épreuve de la charité (« Aimez vos ennemis » !) et de l’espérance («  Vous aurez des tribulations dans le monde, mais prenez courage, j’ai vaincu le monde » Jn 16,33). 

« L’espérance voit ce qui n’est pas encore et qui sera » (Péguy), elle voit en esprit la victoire définitive du Christ, le Prince de la Paix… mais elle sait aussi que cette victoire passe par la Croix et ainsi ne se laisse pas troubler quand elle voit l’épreuve s’avancer. Mais elle est fragile, elle a besoin d’être protégée comme la rose du Petit Prince (cf St Exupéry)… Et son rempart, n’est-ce pas la louange et l’adoration ? Continuer à chanter le « Dieu des victoires » à l’heure des ténèbres, continuer à proclamer les louanges de Dieu et à lui rendre l’adoration qui lui est due, n’est-ce pas une manière de racheter la terre imbibée du sang des innocents, la libérer du mal, la sauver, comme le suggère J. Ratzinger dans ce beau texte à méditer (extrait de : Un chant nouveau pour le Seigneur, Desclée-Mame 1995 ; p 168,169) ?

« Epilogue : liturgie, musique et cosmos.
En conclusion de mes réflexions, je citerai une belle parole du Mahatma Gandhi que j’ai trouvée récemment sur un calendrier. Gandhi évoque les trois milieux dans lesquels s’est développée la vie dans le cosmos et note que chacun d’eux porte une façon d’être propre. Dans la mer vivent les poissons, silencieux. Les animaux qui vivent sur la terre crient, tandis que les oiseaux qui peuplent le ciel chantent. Le silence est le propre de la mer ; le propre de la terre ferme, c’est le cri ; le propre du ciel le chant. Mais l’homme participe des trois : il porte en soi la profondeur de la mer, le fardeau de la terre et les hauteurs du ciel. C’est pourquoi il est aussi silence, cri et chant. Aujourd’hui – ajouterais-je –, nous le voyons, il ne reste plus que le cri à l’homme sans transcendance, parce qu’il ne veut plus être que terre et qu’il tente aussi de transformer en sa terre les profondeurs de la mer et les hauteurs du ciel. La véritable liturgie, la liturgie de la communion des saints lui restitue sa totalité. Elle lui réapprend le silence et le chant en lui ouvrant les profondeurs de la mer et en lui apprenant à voler, à participer à l’être des anges. En élevant le cœur, elle fait retentir à nouveau la mélodie ensevelie. Oui, nous pouvons même dire maintenant, à l’inverse : on reconnait la véritable liturgie à ce qu’elle nous libère de l’agir ordinaire et nous restitue la profondeur et la hauteur, le silence et le chant. On reconnait la liturgie authentique à ce qu’elle est cosmique et non fonction du groupe. Elle chante avec les anges, elle se tait avec la profondeur du tout, en attente. Et c’est ainsi qu’elle libère la terre, qu’elle la sauve ».

Ainsi, à l’heure où approche la reprise pour la plupart d’entre vous, gardons du temps pour Dieu : le temps du silence pour demeurer dans la profondeur de notre cœur à l’écoute du doux « murmure de la brise légère » où Dieu parle (1R19,12), le temps de la louange pour « espérer contre toute espérance » (Rom 4,18) et accueillir, dans les hauteurs, la joie de Dieu, en présence des anges… et alors, nous pourrons porter « le fardeau de la terre », de notre quotidien parfois bien pesant. Et dans la communion des saints, nous pourrons aussi porter le fardeau de nos frères souffrants et persécutés dans le cri de l’intercession, qui transpercera les entrailles de miséricorde de Dieu et obtiendra à tous secours et grâces.

Que Marie, qui « brille déjà comme un signe d’espérance assurée et de consolation devant le peuple de Dieu en pèlerinage » (Lumen Gentium 28) nous accompagne sur ce chemin !

Soeur Isabelle de la Mère de Dieu

mercredi 16 juillet 2014

Le choix de la solitude... pour les femmes aussi !




Le choix de la solitude habitée par Dieu.

"Les ermites ne sont pas seulement des hommes, mais aussi des femmes, même si beaucoup tendent à l’oublier parce qu’il s’agit d’une vie dangereuse ou souvent mal vue par les autorités ecclésiastiques et laïques. 
Pourtant, dès les origines, il y a eu des femmes qui ont décidé de vivre en dehors du bruit du monde, dans l’isolement, dans le silence, dans le recueillement. Et non pas enfermées dans un monastère. Leur choix n’est pas seulement un choix remontant très loin dans le temps, mais une façon de vivre pratiquée aujourd’hui encore, une voie importante de recherche de la relation avec Dieu, de qui veut « écouter directement – comme le dit Antonella Lumini – la voix de l’Esprit Saint », une écoute d’autant plus importante que « les femmes sont plus réceptives, elles savent reconnaître la tendresse de Dieu, la transmettre et la raconter ». 

S’isoler du monde en se consacrant uniquement à la méditation et à la relation avec Dieu est un choix de courage. Il l’est pour les hommes, il l’est d’autant plus pour les femmes, auxquelles par le passé il a été à plusieurs reprises interdit, au point de les pousser à se déguiser en homme pour se retirer dans un ermitage. Trop risqué, l’isolement, trop radical pour une femme un tel choix de vivre protégée uniquement par la foi dans les bois et dans les grottes. Mieux vaut le couvent, plus sûr, protégé et discipliné par des règles certaines.

Pourtant, nombreuses sont celles qui ont réussi, dès les premiers siècles du christianisme, à relever ce défi, même si ce fut parfois en choisissant pour ermitage les murs de la ville. Mario Sensi y revient dans son article sur les origines de cette vocation qui a refleuri après le concile Vatican II (…). Aujourd’hui, le choix de vivre en solitude – comme l’expliquent les ermites modernes – peut aussi se faire dans une ville, au milieu de la vie de tous les jours avec ses problèmes et ses difficultés. Même une maison normale, un appartement quelconque dans un immeuble peut devenir une « poustinia *», un lieu du désert où se recueillir dans la méditation et le silence. (…) Réfléchir, méditer, se détacher du monde, chercher une relation avec Dieu et avec la part la plus profonde de soi-même est une indication précieuse également pour les femmes d’aujourd’hui."

Ritanna Armeni  dans l'Osservatore Romano n°27

* "Poustinia" : cf le beau livre de Catherine de Hueck Doherty: Poustinia ou le désert au coeur des villes.

samedi 29 mars 2014

Construire l’histoire selon le projet divin



Par l’oraison régulière, nous devenons qui nous sommes réellement.

Les nombreuses sollicitations quotidiennes –surtout pour les femmes élevant seules leurs enfants et travaillant à l’extérieur – nous font vivre dans l’urgence, à la superficie de nous-mêmes, sans nous connaître vraiment. Dans une telle vie, l’oraison est comme un puits d’eau vive, elle nous donne accès à nos aspirations les plus profondes, celles qui unifient tout notre être. Nous expérimentons que nous recevons de notre Père notre pleine vérité et notre beauté intérieure. Nous devenons ce petit (Mt 18,3-4), heureux d’être pardonné et aimé, et de rester toujours en relation avec un tel Père. 
Cet amour gratuit, inconditionnel, qui nous est donné à chaque instant, en même temps que « la vie, le mouvement et l’être »( Ac 17,25) nous ouvre à la joie imprenable (Jn 16,22). Une telle qualité de joie, de bonheur profond et durable nous rend forts dans l’adversité et comblés jusque dans la solitude, car il n’est jamais seul celui qui a choisi Dieu pour compagnon.
La vie d’oraison nous permet de bâtir notre vie sur du solide. Souvenons-nous de ce mot de Jésus à ses disciples : " Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis, car tout ce que j’ai su de mon Père, je vous l’ai fait connaître"(Jn 15,15; 14,14-17). Par Lui, nous sommes peu à peu éclairés sur nous-mêmes et sur le dessein de Dieu sur l’humanité.
L’Esprit Saint nous fait découvrir les signes des temps. « Dans l’union à Dieu, l’âme prie avec le Christ dans la lumière qui lui est donnée (…). Cette lumière lui est donnée sur son temps. Elle découvre l’Eglise éternelle et l’Eglise de son temps… » (P. Marie-Eugène de l'Enfant Jésus, "l'pôtre parfait", p.353)
La vie d’oraison nous ouvre à tous les dons de l’Esprit Saint. Ce sont, tout spécialement, le don de science (ou de connaissance) et le don de conseil qui, venant se greffer sur nos facultés cognitives, permettent le discernement des esprits –cher à St Ignace de Loyola, aux jésuites et familles ignatiennes… et à notre Pape François !
Par ce type de vie (dite contemplative) d’écoute intérieure de la Parole de Dieu sous le rayonnement de l’Esprit, nos frères orthodoxes disent que nous devenons théologiens. Ils appellent « théologien » celui qui a une connaissance expérimentale de Dieu découlant de sa vie de prière et  de relation vivante et constante à Dieu.
L’oraison enfin nous permet d’intercéder efficacement pour le monde. « Croyez qu’un regard, un désir devient une prière puissante à laquelle le Père ne peut résister » écrivait la Bienheureuse Elisabeth de la Trinité à sa sœur. St Vincent de Paul, dont la puissance de réalisation étonnait, disait : « Dieu n’accorde rien, non rien, pas même une œuvre utile pour le Royaume, sans oraison ».

Terminons par cet extrait d’un discours de Jean-Paul II du 8 septembre 2002 :
« C’est dans la prière faite avec foi que réside le secret pour affronter les fatigues et les problèmes personnels et sociaux. Qui prie ne se décourage pas, même devant les difficultés les plus graves, parce qu’il sent Dieu à ses côtés et il trouve refuge, sérénité et paix dans ses bras paternels. S’ouvrant ensuite à Dieu avec fidélité, on s’ouvre avec plus de générosité au prochain ; On devient capable de construire l’histoire selon le projet divin…
Lorsque les croyants prient, ils font une brèche dans le cœur de Dieu à qui rien n’est impossible »

Sr Anne-Marie

lundi 3 mars 2014

"Le monde est en feu: oraison, oraison !"




« Le monde est en feu : oraison, oraison, mes sœurs ! ». Ainsi, Sainte Thérèse de Jésus appelait-elle ses sœurs à prier, d’urgence, pour ce monde « en feu ». Ainsi nous appelle-t-elle encore plus aujourd’hui. Et avec elle Saint Vincent de Paul qui disait : « Dieu n’accorde rien – pas même la naissance d’une œuvre bonne – sans oraison ».

L’oraison est non seulement puissante sur le cœur de Dieu en faveur des hommes, mais elle est aussi un acte de charité à l’égard de Dieu Lui-même. Souvenons-nous que Jésus s’est plaint à sainte Marguerite-Marie de l’ingratitude des hommes.

Car Dieu ne cesse de chercher l’homme (Adam « où es-tu ? », « Où est… Abel ? »… Gn 3 et 4). Il connaît notre beauté originelle (d’avant le péché), Lui qui nous aimait « dès avant la fondation du monde » (Ep 1,4) et Il sait pour quelle éternité de gloire Il nous a créés. Il voit à quel point cette beauté a été voilée, obscurcie, voire défigurée par le péché originel et nos propres péchés. Et, pris de pitié pour nous, Il ne peut s’y résoudre. Il veut nous rendre cette splendeur originelle que nous avons perdue et, plus encore, nous transfigurer en étant en nous la beauté absolue.



C’est pourquoi Dieu, notre Père, nous cherche. Il veut nous offrir les fruits de la Passion victorieuse de son Fils. Et c’est dans la vie d’oraison –prolongeant la vie sacramentelle- que nous les accueillons.
Dieu se tient à la porte et Il frappe (Ap 3,20). L’oraison, c’est lui ouvrir la porte et souper avec Lui, face à face, cœur à Cœur.
L’oraison, c’est aller à sa rencontre, ne pas le laisser seul faire tout le chemin vers nous.
L’oraison, c’est une aventure. La plus belle aventure qui puisse nous arriver ; Toutes les autres en découleront.

« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive… de son sein couleront des fleuves d’eau vive » (Jn 7,37-38)

Sr Anne-Marie